ROCH HACHANA: Son sens et sa grandeur - partie 2
- Or Torah | LDEJ

- 15 sept.
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La Mitsva et son histoires 2
L'importance de ne pas dormir à Roch Hachana
Il est enseigné qu'il convient de ne pas dormir à Roch Hachana, car celui qui dort en ce jour, voit son Mazal s’endormir également. Toutefois, si une personne ressent une grande fatigue après l’heure de Hatsot, elle peut se permettre un court repos, juste ce qui est nécessaire pour se restaurer, sans perdre de temps inutilement, car chaque seconde revêt une valeur inestimable à Roch Hachana. Selon le Arizal, après Hatsot du jour, le Mazal s'est déjà éveillé grâce au son du Chofar. Ainsi, celui qui en éprouve véritablement le besoin peut s’assoupir quelque peu, mais le strict minimum afin de pouvoir pleinement profiter de cette journée sacrée.
Une anecdote illustre parfaitement la valeur du temps en ce jour sacré : le Rav de Brisk, dont l'étude se caractérisait par une profondeur toute particulière, fut un jour observé récitant des Téhilim le jour de Roch Hachana. Cette attitude inhabituelle intrigua son entourage, qui lui demanda pourquoi il avait délaissé son étude approfondie habituelle en faveur de la lecture des Téhilim. Il leur expliqua qu'en étudiant comme à son habitude, cela l’obligeait à se lever de temps à autre pour consulter différents ouvrages. Ces moments où il cherchait les ouvrages représentaient des secondes perdues. Cette journée de Roch Hachana étant si précieuse, il ne voulait pas gaspiller ces instants. C'est pourquoi il avait préféré une forme d'étude qui ne nécessitait aucune interruption, tant chaque seconde était chère à ses yeux.
Lever matinal et vigilance spirituelle
Le Ben Ich Haï enseigne qu'il faut se lever le plus tôt possible le matin, idéalement à l'aube. Certains décisionnaires précisent que si le lever à l'aube s'avère impossible, il convient de se lever au moins au Netz – au lever du soleil. Il ne faut surtout pas tarder davantage. En effet, ce jour revêt une grandeur exceptionnelle, c’est le moment où l'homme est jugé. Il lui appartient de tout faire pour que son Mazal ne reste pas endormi.
Certains commentateurs expliquent ce que signifie « un Mazal qui dort ». Le mazal de l’homme dort lorsque celui-ci n’attache l’importance qui convient aux moments exceptionnels comme celui de Roch Hachana ; lorsqu'il n’accorde pas à sa vie, sa véritable dimension. Ainsi, celui qui demeure inactif à Roch Hachana est comparable à quelqu'un qui dort, car le fait de ne pas donner de sens profond à ces grands moments revient à se priver de vivre sa vie dans toute sa plénitude.
Comment aborder Roch Hachana ?
Il est essentiel de se préparer au jour de Roch Hachana. À cette fin, il est d’usage de jeûner la veille de cet évènement de première importance. Nombreux sont ceux qui, aujourd'hui, ne jeûnent que jusqu'à la mi-journée -Hatsot, ou Minha Guedola.
Cette pratique trouve sa source dans un récit du Midrach Tanhouma : Un roi vint un jour punir un pays dont les habitants n'avaient pas acquitté leurs impôts. Lorsque ces derniers apprirent l'arrivée du roi, ils sortirent à sa rencontre pour l'accueillir. Voyant ses sujets venir à lui, le roi leur dit : « Je vous acquitte déjà pour un tiers de votre dette. » Quand ils l'eurent reçu avec tous les honneurs dus à son rang, il leur pardonna le deuxième tiers. Et lorsqu'il constata la joie avec laquelle ils le servaient, il les dispensa du troisième versement.
Cette parabole souligne l'importance capitale de la préparation à Roch Hachana. Nous disposons d'un mois entier pour nous y préparer, le mois de Elloul ! Il est crucial de s’y adonner consciencieusement.
De nombreux Tsadikim conseillaient de se poser et prendre le temps, la veille de Roch Hachana pour consigner par écrit les bonnes résolutions que l'on désire prendre en faveur de la nouvelle année.
L'analogie des trois sonneries
Le Rav Yitzhak Blazer propose une analogie saisissante. A son époque, trois sonneries retentissaient avant le départ des bateaux ou des trains. La première sonnerie s'adressait aux personnes diligentes qui ne voulaient à aucun prix manquer leur transport. La deuxième concernait les retardataires, et la dernière marquait les ultimes minutes. Par contre, une fois les trois sonneries émises, il était trop tard - le bateau avait largué les amarres.
Il en va de même pour Roch Hachana : ceux qui ont commencé leur préparation tôt, depuis Roch Hodech Eloul, passeront en premier et bénéficieront d'un jugement plus favorable. Les seconds suivront selon leur rang. La dernière minute conserve néanmoins son importance. Le Chofar, le jour de Roch Hachana, nous appelle précisément à écouter cette sonnerie ultime qui nous invite à ne pas tarder à nous ressaisir et à nous prendre en main.
Les multiples dimensions de Roch Hachana
Roch Hachana constitue un jour d'une richesse exceptionnelle. Outre le fait qu'il représente le commencement de l'année, c'est un jour où chaque instant est empreint d’une valeur inestimable, car il constitue le pivot de toute l'année à venir. Tout ce que nous accomplissons durant ces deux jours, aura des répercussions sur l'année entière, sur le jugement et sur tous les détails, qu’ils soient positifs ou négatifs, que nous rencontrerons pendant l'année, voire sur l'ensemble de notre existence.
Certaines décisions prises ce jour-là dans les Cieux peuvent engendrer des conséquence sur la vie d'un homme. Il peut être décrété qu'une personne bénéficiera d'une bonne rencontre, qu'elle trouvera une synagogue qui lui est tout particulièrement appropriée, un bon maître spirituel, un emploi adapté… De tels décrets ne manqueront pas d’engendrer des répercussions sur toute le vie d’un homme et son éternité. C'est pourquoi ce jour est si précieux, et l'on conseille de profiter de chaque seconde pour l'emplir de Kédoucha, d’Étude de la Torah, de Téchouva, de renforcement dans la service divin et de rapprochement avec le Maître du monde.
Pour bien comprendre ce jour, il faut tâcher de saisir ses multiples significations :
Yom Hadin : jour du Jugement
Yom Hamalkhout : jour de la proclamation de la Royauté divine
Yom Hakabbala : jour de décision où l'homme prend de nouvelles résolutions et décide de sa conduite pour l'année à venir, en fonction de quoi il sera jugé
Jour de Téchouva et de rapprochement vers Hachem
Cette richesse thématique nécessite une mise en ordre pour comprendre comment appréhender ce jour, comment s'y comporter, et quelle doit être notre tâche essentielle.
S’affliger ou bien se réjouir ?
Le jour de Roch Hachana suscite une question fondamentale. S'agit-il d'un jour de tristesse, de crainte et d'inquiétude, ou bien d'un jour de joie, d'assurance et de Bitahon – de confiance en Hachem ? Cette interrogation ancestrale, a donné lieu à nombre de débats.
Les débats furent intenses depuis l'époque des Guéonim et des Richonim : Roch Hachana doit-il être considéré comme un jour de fête et de joie, ou faut-il l’appréhender comme un jour de crainte, de jugement et de rigueur ? Cette controverse intéresse les prières, la manière de se comporter à Roch Hachana, et bien d'autres aspects.
Le Mordekhai rapporte au nom de Rabbi Avraham qu'il faudrait jeûner tout le jour de Roch Hachana, conformément à la solennité du jugement. En effet, comment concevoir l’idée que les Livres de la vie et de la mort soient ouverts et que l'homme s’adonne à la nourriture ce jour-là ?
Ainsi, certains Richonim jeûnaient effectivement ce jour.
En revanche, le Teroumat Hadechen s'oppose catégoriquement à ce point de vue. Il affirme que c’est littéralement une mitsva de manger ce jour-là. C'est dans ce sens qu'a tranché le Choulkhan Aroukh qui effectivement préconise de manger, de boire, de se réjouir, et qui interdit de jeûner à Roch Hachana. Cependant, il ne convient pas de manger de manière excessive pour éviter tout état d’esprit de légèreté et maintenir sur nous la Crainte divine.
Tel fut le premier débat, et c'est ainsi qu'a statué le choulhan arouh et suivi également dans le Michna Broura qui affirment selon la Halakha qu’il est interdit de jeûner à Roch Hachana, et qui précise de plus, que la joie constitue une mitsva à l’instar des jours de Yom Tov.
Jour de fête ou jour de jugement ?
Une controverse importante divise les Richonim concernant la nature de Roch Hachana. Ce jour doit-il être considéré comme une véritable fête au même titre que les autres jours de fête ? Doit-on l'appeler « Hag » et souhaiter « Hag Saméah » ?
Le Roch rapporte l'avis du Sar Chalom, qui cite des Yechivot de France et d'Allemagne récitant dans leurs prières « Moadim lesimha, Haguim ouzemanim lesasson ». Il apporte de nombreuses preuves démontrant que Roch Hachana constitue effectivement un jour de ‘Hag.
En revanche, le Rav Haï Gaon s'oppose fermement à cette idée. Selon lui, bien que Roch Hachana soit un jour de Yom Tov où il convient de se réjouir, nous n'avons pas pour coutume de réciter « Haguim Ouzemanim lesasson » ou « Moadim lesimha » ni dans le Kidouch ni dans la prière.
Sa justification est claire : Roch Hachana est un jour où D-ieu juge Ses créatures, un jour qui appelle à la téchouva. Cette dimension de jugement distingue fondamentalement Roch Hachana des autres fêtes.
Le Choulhan Aroukh tranche cette question en établissant un équilibre : d'une part, nous devons manger, boire et nous réjouir à Roch Hachana, mais d'autre part, nous ne disons pas « Moadim lesimha ». Ainsi, ce jour ne peut être qualifié de fête au sens classique du terme, contrairement aux autres jours de ‘hag, dédiés entièrement à la réjouissance.
Ceci explique également pourquoi nous avons pris l'habitude de dire « Lechana Tova Tikateiv Vetéhateim » plutôt que « Hag Saméah ».
Maïmonide reflète cette complexité dans ses écrits. Il préconise d'être joyeux et offrir à sa femme et à ses enfants des présents qui les réjouiront. Cependant, dans son commentaire sur la Michna, Maïmonide précise qu'on ne récite pas le Hallel ce jour-là, car ce n'est pas un jour où l'on peut manifester une joie débordante. Il écrit explicitement que ce n'est pas un jour de « Simha Yetéra » de joie particulière précisément car c'est un jour de jugement.
Le Hinoukh propose une approche intermédiaire particulièrement éclairante. Selon lui, ce jour de fête constitue un cadeau que Hakadoch Baroukh Hou offre à Ses créatures pour examiner leurs actions et effectuer un tri salutaire, évitant ainsi que leurs fautes ne s'alourdissent. D-ieu juge l’homme avec bonté, identifie les fautes nécessitant réparation et lui envoie les moyens de les corriger.
Cette perspective présente Roch Hachana comme un jour salutaire, essentiel à l'existence même du monde. On ne peut laisser le monde dériver jusqu'à ce que les fautes s'accumulent de manière irréparable. C'est précisément pour cette raison qu'il faut en faire un Yom Tov, inscrit parmi les « Moadei Hachana ».
Néanmoins, puisque c'est un jour où l'humanité entière est jugée, nous devons nous tenir ce jour-là dans la crainte et la révérence, plus encore que lors des autres fêtes de l'année. C'est pourquoi nous sonnons le Chofar : pour rappeler à l'homme qu'en ce jour, il doit briser son Yetser Hara et regretter ses mauvaises actions.
L'équilibre entre Crainte du Ciel et Confiance en Hachem
Le Taz souligne que même si nous avons la certitude que D-ieu nous acquittera dans Son jugement, nous devons néanmoins maintenir la Crainte et la révérence du Jugement.
Le Ba'h explique pourquoi nous ne disons pas « Moadim lesimha » dans la prière : bien qu'il faille être joyeux car c'est un jour de fête, l'essence de ce jour n'a pas été institué principalement pour la joie comme les autres fêtes, mais pour juger les créatures et accomplir la mistva de téchouva.
La confiance d'Israël en Hachem
Le Midrach révèle une dimension remarquable : nous ne ressemblons pas aux autres nations. Ordinairement, quand quelqu'un se rend à un jugement, il en conçoit une profonde inquiétude. Il est dans l’angoisse, il a très peur. De fait, il néglige son apparence et laisse pousser ses cheveux. Quant à nous, qui portons le titre d’Enfants de Hakadoch Baroukh Hou, nous n’agissons pas ainsi, nous avons l'assurance que D-ieu accomplira un miracle en notre faveur.
C'est pourquoi nous avons la mitsva de nous couper les cheveux avant Roch Hachana et de bien nous vêtir, tout en préservant une certaine modestie, manifestant ainsi notre confiance que Hakadoch Baroukh Hou nous accordera un miracle.
Le Rav de Brisk apporte un éclairage profond sur la nature du Bitahon : la véritable confiance provient d’une prise de conscience d’un danger, à laquelle suit une sérénité puisée dans quelque chose qui dépasse la personne. Celui qui a saisi que le jour de Roch Hachana constitue un jour de jugement comportant un danger réel peut alors se renforcer dans cette confiance en Hachem, qui le jugera favorablement et accomplira un miracle à son intention.
Le Midrach nous accorde le privilège d'avoir cette assurance que Hakadoch Baroukh Hou accomplira un miracle pour nous, au point de nous demander de bien nous habiller, de nous couper les cheveux et de nous préparer à ce jour avec confiance.
Malgré tout, cette confiance doit naître de la prise de conscience préalable que nous passons en jugement. C'est un jour où nous ne pouvons pas nous permettre de nous présenter avec nonchalence, car il n'y a rien de pire que de se rendre à un jugement sans reconnaître ses lacunes, sans comprendre l'importance cruciale de ce jugement et ses conséquences potentiellement lourdes.
Crainte et joie entremêlées
Le Michna Beroura résume parfaitement cette tension - Roch Hachana exige à la fois sérieux, crainte et conscience qu'il s'agit du Yom Hadin – du Jour du Jugement, associé à la confiance et la joie.
Il est indéniable que nous devons conjuguer ces deux aspects, à l'image d’une personne qui se rendrait à un jugement ou un événement majeur : même s'il sait qu'il sera bien reçu, il craint de ne pas être à la hauteur. Cette crainte lui permet justement de s’ajuster au niveau requis et de se préparer comme il convient.
Deux écoles dans l’approche de Roch Hachana
Cette dualité se reflète dans deux écoles de pensée concernant la manière d'aborder Roch Hachana :
Certains mettent l'accent sur la crainte, la peur et la téchouva
D'autres privilégient la confiance, la grandeur et le Bitahon
L'école du Moussar : l'accent sur la crainte
Les Baalei Moussar insistent davantage sur l'aspect de la Crainte. Rav Israël Salanter rapporte qu'à son époque, dès l'annonce de l'arrivée du mois d'Éloul le Chabbat précédent, tous étaient saisis de crainte et d'appréhension.
Cette atmosphère se prolongeait tout au long du mois de Elloul. Comme il le décrit, le son du Chofar commençait seulement à retentir que les gens, pris par la peur se remémoraient l'approche du grand jour du jugement.
Rabbeinou Yona partage cette perspective en qualifiant ces jours de « grands jours de jugement ». Comme avant tout jugement, l'homme ne peut s'oublier ni se préoccuper des choses futiles de sa vie quotidienne. A leur époque, l'engagement des Baalei Moussar était tel qu'ils évitaient même de prospecter en vue d’acquérir leur Etrog et leur Loulav avant Yom Kippour, se disant : « Nous sommes préoccupés par le grand Jugement. »
Selon une telle approche, le jour de Roch Hachana et le sens des prières s'orientent entièrement vers l'éveil spirituel. Lorsqu'elles évoquent la Royauté d'Hachem et Sa grandeur, c'est toujours avec une dimension d'introspection critique : « Avant de faire régner D-ieu sur moi, je dois faire régner Dieu sur mes mauvais penchants et mon esprit sur mes mauvais désirs. »
Les prières de Roch Hachana et le sujet de la Royauté divine conduisent ainsi à une introspection personnelle et l'éveil à la téchouva, afin que le jugement se déroule favorablement. Tout au long de Roch Hachana, les efforts consistent à identifier ses erreurs pour tenter de les réparer. L'accent porte entièrement sur la téchouva et la méditation sur la grandeur d'Hachem.
Rav Israël Salanter enseigne qu'au moment des sonneries du Chofar, l'homme doit réaliser que sa vie et celle de sa famille reposent sur ses épaules. C'est comme s'il pénétrait dans le Kodech Hakodachim, à l'instar du Cohen Gadol dont la sortie n'était jamais garantie. Dans cette optique, la Téchouva revêt une importance capitale, et chacun est appelé à s'éveiller à un repentir profond et sincère.
Rav Yitzhak Blazer, l'un des grands maîtres du mouvement Moussar, pose une question fondamentale, celle de savoir pourquoi Roch Hachana précède Yom Kippour - Ne serait-il pas plus logique obtenir d’abord le pardon de nos fautes, et ensuite, de comparaître devant le Tribunal divin ?
Sa réponse éclaire toute la signification de cette période : un homme ne peut accomplir une véritable Techouva sans connaître véritablement Celui qui est le Roi, et envers Qui il a fauté. Ainsi, Roch Hachana, dont l'essence des prières consiste à proclamer la Royauté divine, établit qu'Il juge le monde entier et pourvoit aux besoins de toutes les créatures. Lorsque l'homme évoque dans ses prières la grandeur divine, cela l'amène tout naturellement à réfléchir et à comprendre la gravité de ses erreurs, et combien il s'est éloigné du niveau requis par la grandeur et le respect dus au Roi. C'est à travers cette prise de conscience qu'il pourra accomplir une véritable Téchouva.
c est pour cela que le roi david appelle roch hachana la lumiere (ori) et le yom kippour la delivrance (ledavid hachem ori vichii) car roch hachana nous éclaire et nous aide ensuite a faire une vrai techouva pour etre libéré de nos fautes le jour de kippour.
Cette première approche correspond à ceux qui mettent l'accent sur l'aspect du jour du Jugement et de la crainte révérencielle.
Deuxième approche : la grandeur, l'émotion et l'élévation
La seconde école privilégie le sens de cette journée dans la grandeur, l'émotion et l’élévation spirituelle. La ‘Hassidout pousse cette approche encore plus loin, jusqu'à la joie.
Cette perspective découle d’une question apparemment paradoxale : pourquoi, en ce jour où nous sommes jugés, ne nous excusons-nous pas, ne récitons-nous pas de Vidouy, ne faisons-nous aucune requête personnelle ?
Le Ram’hal - Rabbi Moché Haim Luzzatto, développé dans le Siftei Haim du Rav Friedlander, explique pourquoi toutes les prières en ce saint jour tournent autour de la Royauté d'Hachem. Nous disons « Melekh Hakadoch – le Roi Saint » et particulièrement dans la prière de Moussaf, nous avons l'obligation de réciter des versets de royauté. Le Talmud enseigne que grâce à cela, nous sommes jugés favorablement. Ces versets de royauté visent l’objectif de « faire régner Hachem sur nous ».
Le sens essentiel de cette journée est de réaliser que D-ieu est le Roi du monde, qu'Il est notre Roi, et que nous sommes fiers d'être Ses serviteurs. Nous prions pour que D-ieu ne dissimule plus Sa présence et ainsi, se révèle au monde dans toute Sa splendeur.
Le processus du Jugement divin
Le Ramhal énonce deux principes fondamentaux :
1/ Ce jour-là, Hakadoch Baroukh Hou se présente au monde comme un Roi qui qui règne sur Son monde. C'est pourquoi il est opportun de prier pour qu'Il se dévoile. Cette prière, cette volonté que D-ieu se révèle, constitue toute notre force et notre bien en ce jour de jugement.
2/ Ce jour-là, Hakadoch Baroukh Hou se présente comme un Roi qui juge Son monde pour la nouvelle année à venir. Dès lors qu’il s’agit d’un nouveau cycle annuel qui s’amorce, HKBH se présente comme le Roi qui décide et attribue à chacun ce qu'il mérite.
Le Ramhal explique que Roch Hachana ne commence pas par le jugement, mais d'abord par la proclamation de la Royauté divine. Lorsque D-ieu créa le monde, Il dit à Adam Harichon : « Chaque année, en ce jour, Je donnerai au monde tout ce dont il a besoin, Je jugerai les créatures comme Je t'ai jugé, et Je les acquitterai. »
Cette dynamique ressemble à un dirigeant d'une grande entreprise qui, chaque année, fait comparaître tous ses employés pour le nouveau cycle. Il évalue l'investissement de chacun et sa volonté de s'investir davantage, puis décide de lui fournir les outils en rapport. Certains recevront une voiture, d'autres une carte de crédit, d'autres encore des hôtels ou des vacances, selon leurs besoins pour accomplir la tâche qui leur est confiée dans l'entreprise.
De même, chaque année, puisque ce jour marque l'anniversaire de la création de l'homme, un nouveau cycle commence naturellement. D-ieu se dévoile et juge l’Homme, déterminant pour chacun les nouveaux moyens qu’il lui destine pour accomplir sa mission pour l’année à venir.
Il nous a créés, nous les hommes, dans le but ultime de Le faire régner sur terre. Ainsi, chaque année, au jour anniversaire de la création d'Adam, Il donne à ce dernier, tout ce dont il a besoin.
C’est le sens de ce que le Talmud nous enseigne : « Nous sommes jugés le jour de Roch Hachana, non pas selon nos actions passées, mais selon nos actions à ce moment précis ». Le Roi évalue celui qui désire être un bon serviteur, un employé dévoué, et lui accorde les moyens techniques, physiques, matériels, pour cela.
Plus nous proclamerons ce jour-là que D-ieu est le Roi du monde - même si certains ne Le reconnaissent pas ; plus nous montrerons notre désir et notre volonté que D-ieu se dévoile au monde ; plus cela nous vaudra un jugement favorable. C’est par ce biais que nous seront attribués de nouveaux moyens.
Un homme ayant vécu une année difficile, qui n'aurait pas servi Hachem comme il se doit, mais qui arriverait à Roch Hachana plein de motivation et rempli de bonnes résolutions, méritera les meilleurs outils dans ce monde si D-ieu voit qu'en ce jour il désire la royauté d'Hachem, et si son objectif ultime est de faire régner Hachem dans le monde, s'il prie avec cette intention et manifeste son désir d'accomplir fidèlement la Torah.
A Roch Hachana, nous ne nous excusons pas explicitement et ne mentionnons pas nos fautes. Le jour de l’intronisation du Roi, il n’est pas opportun de rappeler ses erreurs. Nous nous repentons discrètement, dans une intention réparatrice. Mais le principal réside à travers ce désir ardent de chaque juif, que Hachem dévoile Sa Royauté, fasse venir le Machiah et la Délivrance.
La concentration dans les prières s'oriente dans ce sens, celui de ressentir la Royauté divine, la désirer, prier pour qu'Elle se dévoile. Cette aspiration engendre de facto cette volonté d'être un bon serviteur dans le Royaume d'Hachem, et par voie de conséquence, entraîne cette volonté de progresser et de réparer. Une telle démarche engendre pour la personne un jugement des plus favorables.
La Techouva de Roch Hachana est-elle davantage focalisée sur le passé, le regret, ou bien sur l’avenir, sur nos décisions par rapport au futur ?
A Roch Hachana, nous ne récitons pas le Vidouy, nous ne nous excusons pas pour nos fautes de manière explicite. Comme l’affirme le Zohar Hakadoch, il ne convient pas de rappeler et mentionner les fautes en un jour dédié à l’intronisation du Roi des rois. [Certains disent qu'au moment même des sonneries du Chofar, il convient de dire le Vidouy à voix basse, d’autres affirment qu'il faut seulement le penser sans l’exprimer.] Dans ce cas, comment faire Téchouva ? La guemara nous enseigne que l'homme est jugé selon ses actions ce jour-là. Dans la mesure où en ce jour Hachem distribue à l'homme les moyens et outils nécessaires à sa mission, en guise de Téchouva, ce dernier gagnera à prendre sur lui un engagement sincère dans le sens de sa progression personnelle en vue d’améliorer l’année à venir.
Nos Sages disent que « Hodech Hachevii – le septième mois (tichri) » évoque l’expression « Hadchou Maasekhem – renouvelez vos actions ». De même le mot Chofar a pour étymologie « léchaper – embellir – améliorer » qui évoque aussi l’idée d’améliorer ses actions « Chaprou Maasekhem ».
Cela explique que pour nombre de personnes, le jour de Roch Hachana est considéré comme un jour d’engagements et d’initiatives visant à s’élever. C'est dans un tel esprit et autour de cette idée que la Techouva se centralise. Une personne qui n'aurait pas encore réparé ses fautes, qui ne se serait pas encore excusée mais prévoit de le faire le jour de Kippour bénéficiera d’un jugement favorable dès l’instant où elle prend sur elle de bonnes décisions le jour de Roch Hachana en s’engageant à se renouveler et s’amender au niveau de ses actes. N’oublions pas que ce jour-là, Hakadoch Baroukh Hou renouvelle toute le Création et ce qui va s’y passer, ce qui revient à dire que si la personne renouvelle également ses actes à l’appui d’un engagement, cela lui vaudra un jugement positif. Hakadoch Baroukh Hou est prêt à fermer les yeux sur les erreurs et à nous dire :
« Si à ce moment-là, vous désirez vous amender et devenir de bons serviteurs, nous vous fournirons tous les outils nécessaires à la réalisation de ce projet (santé, moyens, forces, etc. ) pour servir Hakadoch Baroukh Hou »
Dimension de la Royauté
Dans la pensée juive, et tout particulièrement selon la Kabbale, le jour de Roch Hachana nous nous concentrons sur la réception et l'acceptation de la Royauté divine. Cela confère de grandes dimensions spirituelles car les trois prières spécifiques - Malkhouyot (les Royautés), Zikhronot (les Souvenirs) et Chofarot (les sonneries) - rappellent à l'homme qu'il n'existe que le Maître du monde, et qu'il n'y a rien de meilleur que Le servir et désirer Son avènement et Son dévoilement.
Les sonneries du Chofar ont pour vocation de faire trembler et éloigner les mauvais choix et les mauvais esprits, pour reconnaître que Hachem est Unique et qu’il n’existe aucune autre force en dehors de Lui. Et comme c’était la coutume à l’epoque de sonner le choffar lors de l’intronisation du roi pour qu’il soit accepté par tout le monde.
Cette compréhension élève la personne à Roch Hachana, lui octroyant la volonté d'être un véritable serviteur de D-ieu, dévoué à sa mission et au service du Maître du monde. En attendant qu’Il se dévoile, il nous appartient de Le dévoiler. Telle est notre mission.
Comme l'enseigne Rav Simha Zissel : pour faire régner D-ieu, il importe au préalable de faire régner son esprit sur ses mauvais désirs, de faire régner la vérité. Comme l'écrit Maïmonide, chaque Juif, au plus profond de lui-même, n’aspire qu'à une seule chose – servir Hachem. Le mauvais penchant seul, perturbe l’homme et tente par tous les moyens d’entraver son désir de servir fidèlement Hachem, créant une carapace qui sépare et obscurcit cette vérité.
À Roch Hachana, nous brisons cette carapace pour libérer notre essence véritable. Nous sommes capables de ressentir cette volonté profonde de chaque Juif, dont le désir authentique est de faire régner D-ieu dans le monde, d’assister à Son dévoilement et de Le servir de tout cœur.
Nous parvenons à dissiper les brouillards par le mérite du son du Chofar et la récitation des versets des Malkhouyot, destinés à faire disparaître l’opacité du Yetzer Hara pour précisément retrouver ce qui demeure en nous : notre volonté de faire régner Hachem et y aspirer par-dessus tout.

