La Mitsva de Bitahon en Hachem
- Or Torah
- 12 juin
- 21 min de lecture
La Mitsva et son histoires 2
Le Bitahon – la confiance - en Hachem est une mitsva de la Torah et un sujet fondamental non seulement pour la vie de l'homme, sa quiétude, sa sérénité - c’est un véritable antistress. C’est également une qualité de choix dans son Avodat Hashem. Le Bitahon en Hachem permet à l’homme de servir HKBH et accomplir ses devoirs spirituels en toute confiance ainsi que l’exprime le Hovot Halevavot.
Selon Rabénou Yona, nous apprenons le Bitahon en Hachem de la Torah, et également, à partir de très nombreux versets tirés du Tehilim et des Prophètes. Tous nous encouragent à travailler cet attribut pour atteindre la dimension élevée de Bitahon en Hachem. Rabénou Yona apprend cette mida de la mitsva qui évoque la situation de guerre et nous invite à ne pas craindre nos ennemis et à placer toute notre confiance en HKBH. Il nous engage à transposer cette approche dans chaque situation, que cela concerne un malheur, à D-ieu ne plaise, une souffrance, une inquiétude, un besoin quelconque, pour s’en remettre complètement à D-ieu et placer toute notre confiance en Lui Seul.
Le « Or Sameah » apprend le Bitahon en Hachem, du verset « Bo tidbak – Tu t’attacheras intimement à Lui [Hachem] », ce qui a pour sens de réaliser et d’être confiants sur le fait que D-ieu se préoccupe de nous en permanence. Il connaît nos besoins mieux que nous-mêmes. Son désir est de nous procurer le meilleur. Cette mida de Bitahon en Hachem permet à l'homme d’être en constante connexion avec HKBH par la pensée.
« Baroukh haguéver acher yvtah bHachem véhaya Hachem mivtakho - Béni l'homme, qui place sa confiance en l’Éternel et dont l’Éternel est l’espoir » est le verset le plus réputé des Prophètes, parmi les multiples évoqués,. Et inversement, tout celui qui voue sa confiance en l’homme ou en ses propres capacités et ne montre aucun Bitahon en Hachem, se verra dépourvu de bénédiction et d’Aide divine.
Distinction entre Emouna et Bitahon en Hachem :
La Emouna, est la foi en Hachem de manière générale. Le Bitahon en Hachem correspond à entièrement s’appuyer sur Lui.
Le mot Bitahon en hébreu a pour sens « assurance », cela correspond à cette assurance absolue qui est nôtre, de l’intervention d’Hachem à notre profit, pour pourvoir à nos besoins ou tous les évènements qui tracent notre vie, comme on l’explicitera par la suite. Dans les Richonim, une expression définit clairement les choses : « Lo kol hamaamin boteah » - tout celui qui a Emouna ne possède pas forcément le niveau le niveau de Bitahon. En revanche, celui qui a Bitahon en Hachem, a également Emouna en Lui.
Il est écrit que celui qui juxtapose la Guéoula à la Téfila [la brakha qui suit le Chéma à la Amida] en disant « Hachem séfataï tiftah… – Hachem ouvre mes lèvres…» sera doté du monde futur. De quoi s’agit-il ? Rabénou Yona explique cela par le fait que le plus haut niveau de Emouna, est le Bitahon. Au moment de leur sortie d'Égypte, les Bnei Israël, eurent Emouna en Hachem. Ils purent gagner le niveau de Bitahon au moment où ils s’engouffrèrent dans la mer, pleinement confiants que celle-ci s'ouvrirait pour leur permettre d’avancer. Ainsi, celui qui invoque Hachem en priant pour ses besoins juste après avoir mentionné la Guéoula, atteint le plus haut niveau de Emouna, celui du Bitahon en Hachem. Une telle personne mérite sans aucun doute, le Monde Futur.
Deux sections dans la Torah nous apprennent cette mitsva du Bitahon en Hachem, plus particulièrement au niveau de la Parnassa, préoccupation essentielle de l’homme. La première, est celle qui traite des lois de la Chemita. Hachem demande aux Bnei Israël de s’abstenir de tout travail de leur terre durant une année. Il leur faudra laisser leurs champs, libre de tout travail d’agriculture pour s’en remettre entièrement à Lui concernant leur subsistance. La Torah va jusqu’à sonder l’intériorité et la psychologie de l’individu. A celui qui s’inquiétera de sa subsistance durant cette année, D-ieu dit : « Tu constateras par toi-même, que Je te donnerai à manger pour trois ans. Durant la sixième année, tu recueilleras une récolte équivalente à celle de trois années. Tu vérifieras par toi-même que tu n'as pas à t'inquiéter. Tu peux placer toute ta confiance en HKBH. »
La majorité des commentateurs comprennent que si l'homme ne posait pas la question, il aurait une encore plus grande bénédiction, on lui aurait envoyé une bénédiction dissimulée et cachée. En revanche, dès lors qu'il demande, pour le rassurer, D-ieu lui promet de lui envoyer une plus grande quantité, qui lui demandera davantage de travail pour ranger sa récolte, etc. Dans tous les cas, il recueillera cette bénédiction. Quant à celui qui ne pose pas cette question, la brakha se réalisera dans ses entrailles, il se satisfera pleinement et sera rassasié du peu qu’il récoltera comme nous l’apprend Rachi. Le Noam Elimelech ajoute que le fait de poser la question peut réduire la brakha, mais HKBH ne nous abandonne jamais. Il pense à nous, il connaît nos besoins et y répond, même lorsque notre confiance en Lui n’est pas complètement intègre et au plus haut niveau.
Cette Paracha nous apprend essentiellement le Bitahon en Hachem. En cette période, les Bnei Israël étaient considérés comme « guibborei koah – des hommes dotés d’une grande force » et comme des anges observant tout un chacun venir se servir dans leur champ leur faire aucune remarque, jour après jour, durant une année. C’est cette force de Bitahon et de Emouna que Hachem insufflait aux Bnei Israël. Cela leur donnait l’occasion de pouvoir étudier durant une année et de s’adonner pleinement à leurs obligations spirituelles. Cette mitsva est appliquée jusqu'aujourd'hui en Erets Israël, et tout celui qui la pratique assiste en permanence à de nombreux prodiges.
La deuxième Paracha dans la Torah porteuse de ce message, est celle de la manne. Dans le désert, les Bnei Israël se composait de familles bénies d’enfants. La manne tombait tous les jours pour les nourrir. D-ieu dit à Moché Rabbénou de préserver une fiole, souvenir pour toutes les générations de ce prodige, et témoigner aux Bnei Israël du fait que Hachem est en mesure de les nourrir indépendamment des conditions et circonstances. Lorsque le prophète Jérémie, voyant les Bnei Israël, se relâcher dans l’Etude de la Torah, leur dit : « Pourquoi n’étudiez-vous pas la Torah ? » Ils lui dirent : « Il nous faut manger, il nous faut travailler pour notre Parnassa. » Jérémie leur présenta alors cette fiole et leur dit : « Voyez comment HKBH a nourri vos ancêtres dans le désert. Il leur a tout spécialement ménagé une source d'eau et fait tomber la manne tous les jours à leur intention pour les sustenter. »
Rav Chimchon Raphaël Hirsch développe le message de la manne en ces termes. Il relève le fait que l'inquiétude chez l'homme ne connaît pas de limite. Même lorsqu’il a de quoi vivre jusqu'à la fin de sa vie, l’homme trouve toujours matière à se faire du souci ; il s'inquiète de la concurrence dans ses affaires, il se préoccupe pour l’avenir de ses arrière-petits-enfants. C’est sans fin. Il n’est pas possible de se conformer aux lois de la Torah sans Bitahon en Hachem car dans ce cas, comment cesser toute activité et fermer son magasin le Chabbat ? Comment aller étudier le matin ou faire sa prière si l’inquiétude nous ronge en permanence ? C’est pourquoi HKBH tenait à prouver aux Bnei Israël qu'il n'y a pas lieu de s'inquiéter. Le Chabbat, on remet les clés de son affaire au Patron tout en préservant sa sérénité, c'est le Maître du monde qui nourrit précisément Son monde. D-ieu dit : « Si tu gardes le Chabbat, tes six jours de la semaine seront bénis, Ki hi mekor haberakha – car le Chabbat est la source de la brakha ». Le message de la manne est qu’il n'y a pas lieu de se tourmenter à l’excès pour la Parnassa, tout est déjà prêt et HKBH est là pour nous la procurer.
Le paresseux qui tardait à ramasser la manne ne la trouvait plus, passées les quatre premières heures de la journée, car le soleil la faisait fondre. En revanche, celui qui avait confiance, quels que soient les efforts fournis et la distance parcourue, rentrait chez lui avec la même quantité de manne.
Lo nitna Torah ela leohalei haman - la Tora n’est donnée qu’à ceux qui mangent la manne. Ce principe fondamental nous permet de réaliser que notre Parnassa nous sera forcément attribuée dans le temps qui nous reste, après avoir accompli nos devoirs spirituels et nous être acquittés de notre Avodat Hachem. Ainsi pouvons- nous pratiquer la Torah et les mitsvot en toute sérénité.
Deux optiques différentes
Deux débats essentiels, au sujet du Bitahon en Hachem nous permettront d’intérioriser jusqu'où cette confiance en Hachem peut aller.
Le premier débat porte sur cette question de savoir si le Bitahon c'est être pleinement confiant que D-ieu va me procurer tout ce que je désire, ou bien, est-ce accepter ce que Dieu m’envoie, confiant dans le fait que ce qu’il m’envoie correspond à ce qu’il y a de mieux pour moi ?
Le Saba de Novardok, Rav Yossef Youzel Horowitz, considère que le Bitahon correspond à un niveau de confiance impressionnante en HKBH, celui d’être pleinement convaincu qu’Il va me donner tout ce que j’attends. C’est justement cette confiance absolue qui sera le vecteur de l’obtention du résultat escompté. Et ainsi que le dit le Midrach, D-ieu est notre ombre si l’on peut dire. Le principe de l’ombre est de reproduire une forme à l’identique. Je déplace une main, l’ombre duplique cette main, s’il s’agit d’un doigt, apparaîtra un doigt, etc. Plus élevé et fort sera notre niveau de confiance en Hachem et plus il nous sera donné de percevoir la Providence divine. Le Saba de Novardok instruisait ses élèves dans cette voie. Il les envoyait ouvrir des Yechivot dans toutes les villes, il les engageait dans tous genres de projets d’initiation pour développer la yiddishkeit.
On raconte une anecdote au sujet du Saba de Novardok : il attendait le train sur le quai quand une personne arriva et lui dit : « Comment prévoyez-vous de voyager ? » Il lui répondit : « Je n'ai pas de billet de train, j'espère néanmoins en obtenir un. » L'autre réplique : « Ce n’est pas possible ! Comment y parviendrez-vous ?! » « Je ne m'inquiète pas, j'ai Bitahon en Hachem » répondit le Saba. Au même moment, le sifflement du train sur le départ se fit entendre, une première sonnerie, une deuxième... L’homme assistait à ce spectacle sans comprendre. Puis tout à coup, quelqu'un descendit du train et remit un billet de train au Rav. Le Rav monta rapidement dans le train, et l’homme lui dit : « Vous avez failli rater le train ! Quel est le sens de votre Bitahon finalement ?! » Le Rav répondit : « Dessille tes paupières et ouvre donc les yeux, n’as-tu pas encore réalisé que c’est D-ieu Lui-même qui m’a envoyé ce billet au dernier moment ?!! »
Le Saba de Novardok considérait que celui qui fait trop d'efforts et ne compte pas sur HKBH est assimilé à une personne qui serait dans un train et voudrait arriver plus vite à destination… Pour cela il se mettrait face au mur et commencerait à pousser le train. Le train avancerait-t-il plus rapidement à la suite de ses efforts ?! Tout est directement géré par HKBH. Nous retrouvons un peu de cette idée dans le commentaire du Rachbam sur Meguilat Routh – il explique que D-ieu a anticipé et prévu le remède avant d’envoyer un mal ou une difficulté. Il nous appartient juste d’avoir confiance et nous assisterons à la résolution de la difficulté, envoyée par Hachem.
Il raconte l'histoire du Rav Israel Salanter, qui un jour dit à ses élèves : « Je suis en mesure de vous montrer ce que signifie avoir Bitahon en Hachem. J’ai Bitahon en Hachem que l’on va m’apporter une montre en or. » Ils lui répondirent : « Comment cela ? Comment est-ce possible ?! » Il leur dit : « Un peu de patience et vous aurez l’occasion de voir de vos propres yeux ce qu’il en est. » Ils poursuivirent le cours, quand tout à coup un homme frappa à la porte, puis entra et dit : « Excusez-moi, je dois me rendre d'urgence sur le front à la guerre, je possède une montre en or, je ne voudrais pas la laisser entre les mains de n'importe qui… Rav, pouvez-vous me la garder jusqu’à mon retour ? Si je reviens, vous me la rendrez, si par malheur, ce n’était pas le cas, elle vous est acquise. » Les élèves impressionnés, avaient assisté à la matérialisation de ce principe époustouflant de Bitahon en Hachem.
Il est également raconté dans la guemara qu'un jour Rava invita un pauvre et lui proposa de quoi manger. Mais l'autre lui dit : « Excuse-moi, mais j'ai l'habitude de me nourrir d’un poulet engraissé et de boire une bouteille de vieux vin. » Rava répondit : « Je suis désolé mais je ne possède pas de tels produits, penses-tu pouvoir te contenter de ce que j'ai ? » L’homme lui dit : « Non merci, mais ne m’en veut surtout pas, car ce n’est pas toi mais bien HKBH qui me nourrit. » A peine quelques minutes étaient passées que l’on frappa à la porte. La sœur de Rava, qu'il n'avait pas vue longue date, arriva portant un plateau avec un poulet engraissé et du vin très ancien, comme cadeau. Rava dit à l’homme : « Ton merveilleux Bitahon en Hachem a fait ses preuves… Voilà, assieds-toi maintenant et restaure-toi à ta faim. »
Cette approche est celle du Saba de Novardok. En revanche, le Hazon Ich ne partageait pas ce point de vue, car l’homme ignore ce qui est bien ou non pour lui. Et ainsi que l’exprime le Hovot Halevavot, le Bitahon c'est avoir une confiance absolue en D-ieu, au point de totalement apaiser l'inquiétude et le stress, et se dire que Hachem fera pour moi ce qui est le mieux dans la situation ou je me trouve. Que cela corresponde ou non à mon désir profond, je m’en remets à Hachem et ai confiance que tout ce qu’Il fait est pour le bien. Une telle perspective se rapproche quelque peu du « gam zou létova – cela aussi est pour le bien », dans l'histoire de Rabbi Akiva ci-après ;
Rabbi Akiva
Rabbi Akiva se trouvait en chemin. Il avait avec lui son âne pour le transporter et s’était muni d’une bougie pour étudier et d’un coq pour le réveiller. Il voulait s’arrêter dans une ville, mais ne trouva personne qui se propose de l’héberger. Faute d’autre solution, Rabbi Akiva dit alors « gam zou létova – cela aussi est pour le bien » et il se mit en devoir de passer la nuit dans les champs avoisinants. Mais le vent souffla sur la flamme de la bougie qu'il utilisait pour étudier, ce qui le plongea dans l’obscurité et l'empêcha de continuer à apprendre cette nuit-là. Rabbi Akiva conclut à nouveau « gam zou létova ». Son âne s’enfuit, le laissant sans moyen de transport, puis son coq fut dévoré par un chat, mais à chaque fois il affirma avec conviction que « gam zou létova ». Finalement, Rabbi Akiva apprit le lendemain matin que cette nuit-là, des brigands avaient dévasté la ville où il comptait passer la nuit. Rabbi Akiva dit alors : « Si mon âne était resté, les brigands l’auraient entendu et m’auraient kidnappé. Si le coq avait crié, ou si la bougie était restée allumée, que serions-nous devenus… En vérité, tout est pour le bien, je suis pleinement confiant en Hachem ! » À travers ces événements accablants, Rabbi Akiva avait compris que même les apparentes difficultés apportent finalement du bien, et que tout est pour le bien.
Nahoum Ich gam zou
Nahoum ich gam zou était le maître de Rabbi Akiva, son Bitahon en Hachem était inébranlable. Il répétait incessamment l'expression « gam zou létova - cela aussi est pour le bien », ce qui lui valut son surnom. Un jour, confronté à une série d'événements difficiles — il perdit son argent, fut capturé par des ennemis, et subit d'autres malheurs — il gardait toujours son calme et son espoir. Finalement, ces épreuves se révélèrent être des bénédictions déguisées : la perte d'argent l'empêcha d'être capturé avec ses biens, sa captivité lui permit d'échapper à un danger plus grand, et ainsi de suite. Son attitude montre que même dans l'adversité, il faut avoir confiance en Hachem que tout arrive pour une raison positive même lorsque les circonstances semblent sombres.
Ces deux histoires sont deux illustrations du Bitahon en Hachem. Le Hovot Halevavot souligne ainsi le fait qu’il nous appartient d’être conscients que HKBH a déjà décidé de la suite et de la fin des évènements. Il choisit le mieux pour nous, dans ce monde et dans le monde futur. C'est là le sens du Bitahon en Hachem.
Le deuxième débat consiste à savoir quelle est la place de la Hichtadlout ? Doit-on associer les efforts au Bitahon en Hachem ou bien, peut-on complètement s’en dispenser et ne compter que sur la Providence divine ?
La majorité des commentateurs, et particulièrement le Hovot Halevavot, considèrent que Dieu a créé le monde d'une certaine manière, et que nous avons le devoir de veiller à son fonctionnement. Cette intervention de notre part est qu'on appelle en hébreu Hichtadlout. De même que dans le désert, les Bnei Israel devaient sortir pour ramasser la manne. Celui qui se levait après les 4 heures, ne trouvait plus de manne. Comme dit le Midrash, « D-ieu te bénira dans ton action. Si tu agis, tu es béni. Si tu t’abstiens d’agir, tu n'es pas béni ».
Le Hovot Halevavot compare cela à un puits de l'époque ; il fallait attacher la vache, se munir d’une roulette, d’une corde et d’un seau pour puiser l’eau. C’est un enchaînement de moyens qui doivent être mis en place pour parvenir à tirer l’eau. Si cette chaîne est rompue à n’importe quel niveau, elle ne donnera pas le résultat escompté et l’eau ne pourra être recueillie. Ainsi Hachem met en place les causes et les conséquences, mais il appartient à l’homme de participer à l’instar de l’homme qui guide l’animal en fin de parcours, pour puiser l’eau. En revanche, en l’absence d’action de sa part, l'eau ne montera pas miraculeusement du puits.
C’est pourquoi nous avons une Hichtadlout à faire. Cependant, il importe de savoir que ce n’est pas ce qui aboutit au résultat. D-ieu a désiré notre Hichtadlout pour deux raisons : pour que l'homme soit éprouvé dans sa Emouna en Hachem, et pour que les gens soient occupés et ne s'ennuient pas et les préserver de la faute. Mais en réalité, la Brakha et la réussite proviennent exclusivement de HKBH.
Le Messilat Yecharim nous apprend que tout ce qui arrive dans le monde provient d'Hachem en vertu de Sa Sagesse particulière. Quant à nous, nous nous contentons de mettre en place l’« ustensile », récepteur de cette brakha. L’ustensile en question restera vide ou bien se remplira selon la Bénédiction divine. C’est pourquoi, l'homme ne doit pas attribuer sa réussite à ses efforts. Il ne convient pas de s’angoisser à l’excès et faire toujours plus d'efforts, il lui incombe de placer toute sa confiance en HKBH.
Le Hovot Halevavot raconte l’histoire d'un homme qui, ne s’en sortant pas financièrement à l’endroit où il se trouvait, voyagea dans une autre ville pour sa Parnassa. Il y rencontra un idolâtre, et lui dit : « Combien êtes-vous aveugles, vous qui servez des idoles ! » L'autre répondit : « Et toi donc, en qui crois-tu ? » Il lui répondit : « Moi je sers le D-ieu qui a tous les pouvoirs, qui pense à nous, qui crée, qui gère le monde entier, depuis les plus petits vers de terre jusqu'aux plus grosses bêtes. » Il lui dit : « Très bien, mais alors dans ce cas, pourquoi ton D-ieu ne te nourrit-Il pas dans ta ville ? Tu devrais Lui prouver ta confiance absolue et ne pas te sentir obligé de voyager pour gagner ta vie et laisser ta famille ! » Lorsque le Hassid entendit ces paroles, il lui dit : « Tu as entièrement raison ! » Il rentra de ce pas chez lui et ne la quitta plus jamais. La Emouna permet à l'homme de ne pas s’inquiéter à l’excès, et lui laisse cette ouverture de se fixer également un moment régulier pour se rendre au Beth Hamidrach et étudier. La Brakha se déversera dans cet réceptacle, dans le temps qui reste, selon ce qui est décidé par le Ciel.
Il existe une autre opinion, celle du Ramban et de certains commentateurs. Nous considérerons que de nos jours, il s’agit d’un niveau supérieur. C'est l’avis de Rabbi Chimon Bar Yohai qui dans la guemara nous apprend : un homme doit aller étudier la Torah pour ne pas être trop pris par le matériel, et sans action de sa part, D-ieu lui enverra la Brakha. C’est ce qu'on appelle Bitahon bli Hichtadlout – une confiance sans intervention. Le Ramban prônait même que l’on n’aura jamais l’occasion de voir passer un médecin chez une personne emplie de Bitahon, car pour le moindre besoin, il sait se tourner directement vers HKBH. C'est un niveau particulièrement élevé qui peut cependant exister.
Le Alchikh Hakadoch
Le Alchikh Hakadoch a tellement parlé de Bitahon en Hachem, qu'un jour, un homme pourvu d’une charrette et d’un âne et qui avait l’habitude d’aller dans la forêt pour ramasser du sable qu’il vendait au marché, vint trouver sa femme après avoir entendu ce cours du Alchikh, et lui dit : « C'est terminé ! Pourquoi travailler inutilement ? Je vais aller étudier tous les jours au Beith Hamidrach, je vais lire les Tehilim, m'occuper de ma famille, et D-ieu m’enverra la Parnassa. » Sitôt dit, sitôt fait… Passent un jour, deux jours, il n'y a plus de quoi manger à la maison. La situation est des plus précaire. Mais notre homme est confiant : Le Rav a dit « Bitahon en Hachem ! »
Et voilà que le pire arrive. Un jour, des brigands lui volent sa charrette et son âne. Les enfants inquiets, viennent trouver leur père : « Que se passe-t-il ? » Les enfants racontent à leur père la tragédie du vol… Le père leur dit : « Ne vous inquiétez pas, j'ai confiance en Hachem. » Le lendemain matin, on voit l'âne arriver traînant un énorme sac dans la charrette. Surpris, les enfants appellent leur père… Ils font rentrer le sac à l’intérieur de la maison, l’ouvrent et découvrent un énorme trésor à l'intérieur. Que c’était-il passé ? Les brigands qui avaient volé l'âne, sont allés récupérer le produit de tout ce qu'ils avaient volé durant toutes ces années, et qu’ils avaient caché dans la forêt. Ils ont chargé la charrette, mais au dernier moment, lorsqu’ils sont descendus dans le trou récupérer les derniers objets, la terre est retombée sur eux et creusant ainsi leur tombe, les laissant morts ensevelis sous ce monticule. Entre-temps, l'âne, ne voyant personne arriver, a repris sa route habituelle et est retourné chez son maître.
Cette histoire a tellement bouleversé les élèves du Alchikh qu’ils lui demandèrent : « Mais pourquoi cet homme a-t-il bénéficié de la Brakha si facilement contrairement à nous ? » Le Alchikh Hakadoch leur répondit : « Le Bitahon ressemble à un pilier, un pilier fort ! Comme le dit David Hamelech : "Ke'ets chatoul al palgei mayim – comme un arbre planté au milieu du cours d’eau". Celui qui a vraiment la foi, mérite de voir le résultat. Vous, lorsque vous démarrez dans votre Bitahon, vous hésitez, vous n'êtes pas sûrs encore. Cet homme quant à lui, était profondément convaincu et parfaitement confiant. » C’est évidemment un très haut niveau.
De nos jours, plus que jamais, il est fondamental de travailler cette mida du Bitahon. Lorsque quelque chose ne va pas bien, lorsqu’on attend une délivrance ou autre… savoir se répéter en permanence que Hachem ne nous oublie pas, qu'Il s'occupe de nous et qu'Il agit dans notre intérêt et fait les choses pour notre bien.
Le Hovot Halevavot, dans son prodigieux chapitre sur le Bitahon - réputé pour être comme l’eau sur un feu bouillant, tant cela nous renforce dans notre Bitahon en Hachem - a la force de considérablement nous renforcer et nous apaiser, c’est pourquoi il est vivement conseillé de l’étudier régulièrement.
Il explique qu’il existe sept conditions pour avoir une parfaite confiance en quelqu’un :
La miséricorde : L'homme fait confiance à celui dont il sait qu'il a pitié de lui et le prend en compassion, trouvant repos auprès de lui pour toutes ses affaires.
La diligence : Il faut qu'il sache que l'autre ne l'ignore point ni ne néglige ses désirs, mais s'applique à les accomplir.
La puissance : Il doit être assez fort pour ne point être vaincu et pour que nul empêchement ne l'arrête dans l'accomplissement des requêtes.
La science du bien : Il doit connaître parfaitement ce qui profite à celui qui lui fait confiance, dans le secret comme au grand jour.
La constance : Il doit accompagner celui qui lui fait confiance depuis sa naissance jusqu'à sa mort, à travers tous les âges de la vie.
Le pouvoir exclusif : L'affaire de celui qui fait confiance doit être entièrement remise entre ses mains, sans qu'aucun autre puisse lui nuire ou l'aider.
La générosité universelle : Il doit faire preuve d'une générosité et d'une grâce constantes envers tous, qu'ils en soient dignes ou non, sans jamais faillir ni s'interrompre.
Il est possible de trouver quelques-unes de ces conditions chez l’homme mais toutes ne sont pas réunies. En revanche, ainsi que les versets en témoignent, ces sept conditions sont toutes réunies chez HKBH et s’expriment envers chacun.
Il est miséricordieux envers l’homme plus que ce dernier ne l’est envers lui-même.
Il veille sur chacun dans les moindres détails, rien ne Lui échappe, Il n’oublie rien.
Il est Omnipotent, le Maître de toutes les forces. Personne ne peut s’opposer à Lui pour le contester.
C’est Lui qui a créé l’Homme. Il connaît intimement sa nature et ses besoins. Il sait ce qui est bien pour lui. Le bien Lui appartient par excellence. Hachem est la source du bien.
Depuis notre venue au monde, Il se soucie pour nous et nous fait du bien.
Il décide de tout, de chaque évènement, de son moment, de son dosage. Nul ne peut modifier, avancer ou retarder ce moment pas plus que sa prescription.
Il s’occupe de tous, en permanence, depuis le plus important jusqu’au plus insignifiant des êtres, et quel que soit leur mérite.
Être conscient et savoir que tout bien provient de la Volonté d’Hachem, engendre Sa Crainte et empêche l’homme de se fonder sur les gens et de les craindre. Ne dit-on pas que les personnes qui nous font du bien sont des personnes de valeur, envoyées par le Ciel dans cette intention sont ainsi envoyés du Ciel.
Hachem a mis en place un mécanisme de causes – les Sibot, suivies d’effets, mais celles-ci n’ont aucune chance de se réaliser si ce n’est en vertu de Sa Volonté. En effet, D-ieu peut faire pousser 3000 grains de blés à partir d’une seule graine, s’Il le désire. Il en va de même pour toute chose. Cela signifie que l’intervention de l’homme et son désir de devancer ou retarder une réalisation, de s’inquiéter pour celle-ci, ne provient que d’une déficience dans sa connaissance et d’une carence dans sa reconnaissance envers Lui.
Ainsi que l’affirme le roi Salomon, il existe 28 moments différents dans le monde : le moment de la vie, le moment de la mort, le moment de la guerre, le moment de la paix, etc. HKBH gère chaque chose, Il observe individuellement chacun. En prenant conscience de Sa clémence, du contrôle qu’Il exerce, de Son souci et Sa bienveillance, de Sa puissance, de l’administration de toutes ces données, l'homme est apte à pleinement et sereinement édifier son Bitahon en Hachem.
Et pour ne citer que quelques phrases du Hovot Halevavot : Tout ce qui concerne sa vie, sa famille, ses vêtements, son lieu d’habitation, sa Parnassa, l’homme doit être prêt à se soumettre et accepter les décrets divins, il lui faut développer sa confiance en Lui, et se dire que rien ne se fera en dehors de ce que D-ieu a décidé en amont et que par-dessus tout, c’est ce qui est le bien pour nous dans ce monde. Seule la prière, les suppliques, la téchouva, les efforts pour s’amender et s’améliorer, peuvent permettre de mériter un meilleur sort. Dans tous les cas, D-ieu intervient quel que soit le niveau de la personne. Il nous incombe de faire ce qu’il faut, et HKBH s'occupe de nous.
Le Hovot Halevavot dit que lorsque la Parnassa tarde à arriver, il faut se souvenir que Celui qui nous a fait venir au monde l’a fait à un moment déterminé et précis, ni trop tôt, ni trop tard. Rien, ni personne, ne pouvait intervenir dans cette décision. Il nous a créés et nous a attribué les forces et le Mazal qu'Il a choisi pour nous. Nous devons en déduire que c’est Lui qui également décide de notre bien. Si notre attente n’est pas satisfaite aussi rapidement que souhaité, c'est bien évidemment dans notre intérêt car Hachem ne désire que le mieux pour chacun.
Lorsque la chose que nous espérons dépend d’une personne, il nous appartient de la remercier lors de son accomplissement. Nous devons malgré tout garder à l’esprit que cette réalisation est le fruit de la Volonté d’Hachem. Quant à la personne en question, elle n’est, ni plus ni moins que l’intermédiaire – l’émissaire méritant du Maître du monde. Et ainsi que nos Sages nous l’enseignent : Megalgelin zekhout al yedei zakai – l’homme méritant est l’émissaire des mérites à accorder à autrui. Et à l’inverse, dans le cas où la personne n’a pas réalisé l’objet de nos attentes, il ne sert à rien de lui en vouloir, il convient plutôt de s’interroger pour savoir pourquoi le Ciel n'a pas permis cette réalisation, tout en se rappelant que c’est dans notre intérêt et pour notre bien. En revanche, la requête et la supplique ne s’adresseront qu’à HKBH en personne.
Il est de circonstance de rapporter la Segoula du Rav Haïm de Volozhin. Elle est liée à cette notion de Bitahon en Hachem. Le verset dit : « Ein od milévado » - Il n’existe aucune autre puissance en dehors de HKBH, quelle que soit la décision, la force, et concernant tout ce qui se passe dans le monde. Le Rav de Volozhin dit que celui qui s’attache intimement à cette pensée, sans s’en détacher, ne connaîtra pas le mal. Personne ne peut lui porter atteinte.
On raconte au sujet du Rav De Brisk, que lorsqu’il se sauva des nazis, au début de la Shoah, il se trouvait avec sa famille dans une charrette. Ils traversaient tous les postes et barrages des Allemands sans que personne ne les arrête. Il arriva subitement qu’on les arrêta. Ceux qui se trouvaient dans le convoi avec lui, eurent très peur. Mais très vite, l’attention des gardes-frontières fut détournée par un autre sujet. C’est ainsi qu’ils parvinrent à traverser la frontière et se sauver. Le Rav dit à sa famille : « Savez-vous ce qui nous a permis de passer sans encombre la frontière ? Tout le long de la route, suivant le conseil du Rav Haïm de Volozhin, je me suis concentré sur cette notion : « Ein Od Milévado - il n'y a d’autre Puissance en dehors de Lui ». C’est, armé de cette conscience et de cette reconnaissance que nous sommes parvenus à passer à chaque fois et que les gardes ne nous prêtèrent pas plus d’attention. Cependant, lorsque nous sommes arrivés à la frontière où nous avons été retenus, j’ai été pris par d’autres pensées. Je me suis aussitôt concentré à nouveau sur cette réalité et nous sommes passés. » Plus une personne est attachée à la Emouna et la confiance en HKBH, plus intense et supérieur est son niveau de protection.
Le Hazon Ich écrit qu’un homme doté de Bitahon en Hachem éprouve un ressenti de Souffle divin qui le guide et lui indique que sa demande est exaucée. Au sujet du verset : « Véhabotéah bachem, hessed yessovévenou - Celui qui a bitahon en Hachem est entouré de bonté » - même si c'est un racha, la bonté l’encadre. Le Hovot Halevavot écrit qu’il y a évidemment de fortes chances que l’homme soit agréé dans ses demandes lorsqu’il sert HKBH et accomplit les mitsvot, cependant, les vertus de celui qui a Bitahon en Hachem s’exercent également envers le racha.
La Confiance face à l'Incertitude
L'angoisse liée aux contingences matérielles, la pression des échéances à honorer, la perspective du manque – voilà des préoccupations qui étreignent fréquemment le cœur de l'homme. Ces moments d'inquiétude, particulièrement vifs lorsque les ressources semblent manquer, sont précisément ceux où la vertu du Bitahon en Hachem est appelée à se développer. Il s'agit de cultiver la certitude intime que HKBH, dans Sa sagesse infinie, perçoit bien au-delà de notre horizon limité.
Le roi Chlomo, dans sa profonde sagesse, nous dit : « Ne te presse pas d'ouvrir la bouche,
et que ton cœur ne se hâte pas d'exprimer une parole devant D-ieu ; car D-ieu est au ciel, et toi sur la terre » (Kohelet 5:1). Les commentateurs éclairent ce verset en soulignant que, de même qu'un homme s'élevant en altitude embrasse du regard un panorama plus vaste, dominant les obstacles qui limitent la vue au sol, ainsi Hachem, depuis Sa demeure céleste, possède une perspective infiniment plus large et profonde de la réalité. Il discerne les tenants et les aboutissants, les causes et les effets, bien au-delà de notre compréhension partielle. Forts d’une telle approche, nous pouvons appréhender que Hachem est à même d'apporter la délivrance en un instant, par des moyens qui déjouent toute prévision humaine et depuis des sources totalement inattendues. Maintenir cette confiance, c'est reconnaître Sa maîtrise absolue des événements et Sa capacité à transformer toute situation, aussi inextricable puisse-t-elle paraître.
Les manifestations de la bonté divine jalonnent notre existence quotidienne, offrant d'innombrables exemples de la providence d'Hachem. Voici encore deux témoignages particulièrement éloquents de cette bienveillance divine.